Tuesday, November 11, 2025
Google search engine

Ngondo 2025

Quand la tradition rappelle à l’ordre la nation tout entière

Dans le majestueux cadre du Palais de la Culture Sawa, les autorités traditionnelles du peuple Sawa ont levé le voile sur le thème central de l’édition 2025 du Ngondo : « Ja Jongwanèlè o Kotomè », soit en français « Solidarité dans le Rassemblement ». Mais au-delà des mots, c’est un cri de conscience, un appel au sursaut national, que ce message véhicule.

Il est 10 heures passées quand Sa Majesté Paul Milord Mbappè Bwanga, chef supérieur du canton Bele-Bele et président en exercice du Ngondo, prend la parole pour souhaiter la bienvenue aux journalistes et aux représentants traditionnels venus nombreux.

Le chef ne cache pas le léger retard dans la tenue de la conférence, traditionnellement prévue entre avril et mai. Cette année, le déménagement du siège du Ngondo et d’autres impératifs ont modifié le calendrier. Mais l’essentiel, rappelle-t-il, est que le message soit enfin transmis, dans sa clarté et sa profondeur.

« Nous sommes ici pour transmettre un message fort aux populations », a-t-il insisté. Et ce message n’est pas un simple thème de festivités. C’est une orientation spirituelle, politique et sociale.

Le professeur PamphileYobe, gardien des rites traditionnels du Ngondo, prend le relais. Il enracine le thème de 2025 dans celui de l’année précédente : « Ja Jongwanèlè », la solidarité. En 2024, ce concept avait déjà été abordé sous l’angle de l’entrepreneuriat social, invitant à revoir notre modèle de développement non plus sous l’angle de l’enrichissement individuel, mais du mieux-être collectif.

Cette année, l’ajout du terme « Kotomè » – le rassemblement – vient consolider l’appel lancé : ne pas se contenter d’unir les intentions, mais fédérer les actions. Car dans un pays où les fractures se multiplient, le Ngondo entend jouer un rôle de boussole morale.

« Rassemblement dans la solidarité, solidarité dans le rassemblement », martèle Pamphile Yobe. L’un sans l’autre est insuffisant. Ensemble, ils forment une dynamique de refondation.

Le Ngondo, une institution ancienne tournée vers l’avenir

Fondé bien avant la colonisation, le Ngondo n’est pas un simple regroupement coutumier. C’est l’Assemblée traditionnelle des peuples Sawa, une autorité morale et culturelle qui a toujours été au cœur de la régulation sociale, des arbitrages et de la mémoire collective sur les rives du Wouri.

Interdit par l’administration coloniale en 1949, puis réhabilité dans les années 1990, le Ngondo a toujours porté un regard critique et constructif sur l’évolution de la société camerounaise. Son retour en force ces dernières années ne doit rien au hasard : il répond à un vide moral et identitaire.

Face à la montée de l’individualisme, à l’explosion des inégalités, à l’érosion des repères, le Ngondo propose une autre voie : celle de la cohésion, de la justice sociale, et du retour aux valeurs ancestrales.

L’analyse est sans concession : inflation galopante, perte du pouvoir d’achat, frustrations sociales, montée des violences, repli communautaire… Autant de symptômes d’une société qui s’essouffle, qui doute, qui se divise. Le Ngondo ne se contente pas de les observer : il propose une réponse enracinée dans la solidarité agissante et l’unité retrouvée.

« Il ne s’agit plus de prendre son mal en patience. Il est temps de prendre en charge le bien-être de tous », déclare avec force Pamphile Yobe.

Ce sursaut souhaité n’est pas une incantation. Il appelle à des actes concrets : mobiliser les expertises, valoriser les initiatives locales, impliquer la diaspora, reconstruire du lien, restaurer la dignité et le sentiment d’appartenance à une même patrie.

Le rassemblement devient alors une stratégie de survie et de prospérité collective, face aux échecs de la gouvernance verticale et aux mirages de l’isolement communautaire.

Un Ngondo d’espérance

Dans cette nouvelle vision du Ngondo, aucun acteur n’est laissé de côté. La diaspora, longtemps marginalisée ou instrumentalisée, est appelée à prendre une place centrale. Les jeunes, souvent dépolitisés ou résignés, doivent être les porteurs du changement. Les femmes, garantes de la mémoire et de la solidarité au quotidien, sont les chevilles ouvrières du rassemblement.

Cette approche inclusive se fonde sur une idée simple mais puissante : chacun a quelque chose à apporter. Chacun est une pièce du puzzle national. Personne n’est de trop, à condition que la solidarité soit réelle, et que le rassemblement ne soit pas une façade.

Le Ngondo 2025 ne sera donc pas une simple célébration folklorique au bord du fleuve Wouri. Ce sera un acte de foi envers le Cameroun, une parole prophétique à l’échelle de la nation.

Dans un monde où les peuples cherchent leur cap, où les repères se brouillent, le Ngondo redevient un phare. Il rappelle que les solutions ne viendront pas toujours d’ailleurs, mais des profondeurs de nos propres traditions, si nous savons les relire à la lumière de nos défis actuels.

Le peuple Sawa, par la voix de ses chefs, n’offre pas une nostalgie du passé, mais une sagesse pour l’avenir. Et le Cameroun aurait tort de ne pas l’écouter.

RELATED ARTICLES

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisment -
Couverture du magazine Ça Presse N011, Août 2025

Most Popular

Recent Comments

error: Content is protected !!