Le plaidoyer sonnette d’alarme du Sénateur suppléant Dipoko Songue
Son plaidoyer, l’an dernier, avait été à l’origine de discussions, fussent-elles informelles, et le courage qu’il a eu de mettre ce débat sur la table a mis la puce à l’oreille de ceux qui adjurent les institutions camerounaises d’améliorer le statut du parlementaire suppléant.
La question fait vraiment débat, mais faute de courage, ceux qui la portent ne l’évoquent que sous cape : est-il raisonnable que le parlementaire suppléant (député ou sénateur) au Cameroun, comme dans la plupart des pays du monde, ne soit pas rémunéré ou ne bénéficie pas officiellement de la moindre allocation correspondant à son statut ? En attendant que les Camerounais se prononcent sur le sujet ou que le législateur et /ou le gouvernement se penche(nt) dessus, des parlementaires suppléants camerounais, pour la plupart affiliés au parti au pouvoir (le Rassemblement Démocratique du Peuple camerounais -RDPC-) ont commencé à briser le silence. Et c’est le cas du sénateur suppléant du Littoral, Pierre Betansedi Dipoko Songue.
D’entrée, il convient de relever que face à l’indifférence de la classe politique sur la situation des parlementaires suppléants, le député Cabral Libii, leader et député du parti d’opposition Parti camerounais pour la reconstruction nationale (PCRN) dont il est par ailleurs le chef de file à la Chambre basse du parlement camerounais, avait pris le 30 mai 2023, une mesure certes applicable seulement à l’échelle de sa formation politique, visant à rémunérer les députés suppléants du PCRN, question d’atténuer la précarité de ceux-ci rapportée à l’embonpoint de leurs camarades et colistiers titulaires qui perçoivent une rémunération mensuelle de 850.000 francs CFA.
La décision du président national du PCRN «portant régime sur les cotisations spéciales au profit des parlementaires suppléants» instruisait les cinq députés du parti à l’Assemblée nationale de reverser dorénavant chacun, une somme de 100000 FCFA tous les mois à son suppléant. Une somme à prélever «de leurs rémunérations mensuelles perçues au Parlement au titre des cotisations spéciales». «Les parlementaires titulaires sont en application de cette mesure, dispensés de tout autre versement mensuel obligatoire au profit du parti», ajoutait l’Honorable président Libii.
Un geste honorable et altruiste malgré la modicité de la somme ayant le mérite d’officialiser le statut de bénéficiaire de la rémunération parlementaire des députés suppléants. Sauf que cela ne sera resté qu’une affaire du PCRN, car cela n’a pas fait tache d’huile, notamment au RDPC un parti qui en raison de sa mainmise sur le pouvoir, dispose de davantage de moyens pour que ses députés suppléants puissent être logés à meilleure enseigne.
La preuve, cette colère d’un député suppléant RDPC de la Mifi exprimée dans les colonnes du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune à la même époque : «Ce n’est pas normal que pendant les campagnes, tu te battes avec ton titulaire et ne bénéficies même pas des moyens de locomotion pour descendre sur le terrain (…). Nous n’avons rien à part le titre de suppléant». Une plainte jugée légitime par un député titulaire au regard des stipulations du Code électoral qui reconnaît le suppléant comme un maillon important de la chaine parlementaire, aucun candidat ne pouvant se présenter sans son suppléant qui est appelé à remplacer le titulaire en cas de nomination de celui-ci à une fonction dont l’exercice présente une incompatibilité avec l’exercice ou de la fonction de parlementaire, ou de démission. Or malheureusement, le suppléant ne bénéficie d’aucun traitement et ne peut pas, qui plus est, siéger temporairement en cas d’empêchement du titulaire.
Le point de vue pertinent du sénateur suppléant Dipoko Songue
Pour sa part le Sénateur suppléant du Littoral Dipoko Songue qui rappelle la place importante du Sénat dans la nomenclature étatique pense que le sénateur suppléant n’a pas la place qu’il mérite parmi les acteurs de la Chambre haute du parlement, et que l’État du Cameroun, pour y remédier, doit nécessairement attribuer une compensation au sénateur suppléant dont le rôle au sein du sénat, même s’il n’est pas visible, est loin d’être négligeable… Sensible à la question, un observateur notera pour mettre du vin au moulin du Vénérable Dipoko, que cette situation vise à donner davantage d’efficience au travail des sénateurs suppléants et à leur permettre d’accompagner le sénateur titulaire dans son travail : « Considéré aussi comme un élu du peuple, le sénateur suppléant mérite également d’avoir des conditions de travail et de vie plus décentes, ce qui va sans aucun doute apporter un plus dans son travail au quotidien ». Appréciant la posture du président de la sous-section RDPC Dibamba Axe Lourd, il ajoutera : « Dipoko Songue Pierre Betansedi qui est le sénateur suppléant… espère vivement que ces revendications qui ont été soumises vont certainement trouver gain de cause et que pour les élus qui peinent à faire leur travail, cette revendication va permettre de résoudre ce problème une fois pour toutes. Mise sur la table des assises du Sénat, l’écho aura certainement pris car, pour mettre en œuvre et accompagner son sénateur titulaire, il faudra aussi qu’il dispose du strict nécessaire car, selon lui certains élus dans leurs circonscriptions n’arrivent pas toujours à faire le travail qui leur est dévolu. Avec cette réclamation du sénateur suppléant, on ose croire que les lignes vont bouger pour que cette volonté soit accompagné par des actions de l’État »