Dans un contexte de rupture avec l’ancienne puissance coloniale et les institutions ouest-africaines, la junte malienne a rebaptisé 25 lieux emblématiques de Bamako. Un geste symbolique qui reflète l’affirmation de sa souveraineté et ses nouvelles alliances géopolitiques.
Un acte fort d’affirmation politique
La junte militaire malienne a pris une décision hautement symbolique en rebaptisant plusieurs rues, places et monuments de la capitale, Bamako. Publié par décret et diffusé mercredi, cet acte marque la volonté des autorités de rompre avec le passé colonial français et de se détacher des organisations régionales perçues comme hostiles.
L’une des modifications les plus significatives est la transformation de l’avenue Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) en avenue de l’AES (Alliance des États du Sahel). Cette dernière incarne l’union récente entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, trois États désormais gouvernés par des régimes militaires ayant pris leurs distances avec la Cedeao.
Des figures coloniales remplacées par des héros africains
Parmi les 25 lieux rebaptisés, plusieurs noms liés à l’histoire coloniale française ont été remplacés par des figures historiques africaines.
• Rue Faidherbe devient rue Mamadou Lamine Drame, en hommage au résistant sénégalais à la colonisation.
• Rue Archinard devient rue El Hadj Cheick Oumar Tall, chef religieux et résistant à l’expansion coloniale française au XIXe siècle.
• Rue Brière de l’Isle est rebaptisée rue Banzoumana Sissoko, du nom du célèbre griot malien.
• Avenue Ruault prend le nom du capitaine Sékou Traoré, une figure militaire locale.
De même, la place du Sommet Afrique-France, située sur la route de l’aéroport, est désormais baptisée place de la Confédération des États du Sahel.
Un rejet du passé colonial et des tensions avec la France
Ces changements interviennent dans un contexte de relations tendues entre le Mali et la France, après le retrait des troupes françaises en 2022 et les critiques mutuelles entre les deux pays. Depuis leur arrivée au pouvoir après des coups d’État successifs, les militaires maliens ont adopté une posture de rejet des symboles liés à l’ancienne puissance coloniale et de défense de la souveraineté nationale.
Le Mali suit ainsi la voie tracée par ses voisins sahéliens, le Niger et le Burkina Faso, qui ont également procédé à des modifications similaires ces dernières années, en rebaptisant des rues et des lieux publics pour effacer les traces de la colonisation et affirmer leur identité nationale.
Une nouvelle orientation géopolitique
Au-delà de la rupture avec le passé colonial, ces changements reflètent aussi une évolution des alliances géopolitiques. En remplaçant l’avenue Cedeao par l’avenue de l’AES, le Mali met en avant sa nouvelle orientation vers une coopération renforcée avec le Burkina Faso et le Niger, ses partenaires au sein de l’Alliance des États du Sahel. Cette initiative marque une prise de distance claire avec la Cedeao, perçue comme un outil d’ingérence et d’opposition aux régimes militaires sahéliens.
Une politique symbolique et stratégique
La rebaptisation des rues et monuments à Bamako dépasse le cadre purement symbolique. Elle traduit une volonté des autorités de redéfinir l’identité nationale, tout en consolidant leur popularité auprès d’une partie de la population qui soutient ces actions comme un signe de rupture avec le passé.
Cependant, cette démarche soulève également des interrogations sur ses impacts réels :
• Renforcer la cohésion nationale ?
• Ou polariser davantage les opinions dans un contexte déjà marqué par des défis sécuritaires et économiques majeurs ?